Coutelier Sculpteur


Je suis né le 8 janvier 1968 à Thiers dans une famille de coutelier (je suis la 7 ème génération dans ce domaine). Tout aurait pu laisser entendre que ma voie était toute tracée, pourtant c’est totalement par hasard que je suis devenu coutelier.
Je n’étais pas du tout intéressé par la coutellerie, j’étais plus intéressé par les métiers liés à l’automobile ; mon grand-père maternel et mes deux arrières grands-pères maternels travaillaient tous les trois à la carrosserie GANGLOFF à Colmar. Cette carrosserie était réputée pour réaliser les carrosserie des plus belles voitures de luxe dont les BUGATTI.
N’ayant que peu d’atomes crochus avec l’école, je n’ai pu choisir le métier que je rêvais de faire, et je me suis vu relayer dans une voie de garage où j’ai appris la mécanique générale. Curieusement cela m’a plu, et le mauvais élève que j’étais a commencé à avoir de bonne notes.
L’envie de gagner ma vie m’a fait quitter l’école avant de passer le CAP, malgré la déception de mes parents et de mes professeurs.
Je me suis confronté à plusieurs petits boulots, chromeur, plongeur de cuisine, distribution de prospectus etc.…puis, en consultant les annonces à l’ANPE, on m’a proposé de devenir monteur de couteaux : c’était en 1987, époque où le Laguiole avait le vent en poupe.
Je ne connaissais pas ce métier car mes ancêtres étaient « cacheurs », terme employé pour les personnes travaillant la corne. Mon grand père était quant à lui fabricant de chasse à rasoir, et mon père avait commencé sa carrière comme fabricant de manches de couteaux de table en matière plastique.
L’usine où j’ai appris le métier de monteur de couteau était une entreprise familiale, l’ambiance y était bonne et l’on fabriquait des couteaux de bonne facture ; malheureusement la mode du management à l’américaine passant par là changea totalement la donne.
J’y ai vu débarquer un jeune chef sortant tout juste de l’école et ne connaissant pas le travail venir avec une société spécialisée, pour nous contrôler un chronomètre à la main : l’ambiance changea du tout au tout et le résultat ne tarda pas à se voir.
Ils ont commencé par nous faire sauter des rangs, pour gagner du temps, et les beaux couteaux du départ ce sont vite transformés en couteaux pour lesquels on ne se serait même pas baissé pour les ramasser.
De monteur de couteau que j’étais au départ je suis passé démonteur tant les couteaux revenaient avec des défauts, et les bennes à métaux qui se remplissaient faisaient le bonheur des ferrailleurs.
De bon ouvriers sont partis de leur propre chef et cette belle entreprise qui comptait une cinquantaine de personnes à vue, son personnel est divisé par cinq actuellement.
Quand j’ai quitté cette usine, en 1995, je me suis installé comme monteur à domicile : ce fut la plus belle erreur de ma vie professionnelle, c’est un statut où l’on n’a que des inconvénients, sans aucuns avantage.
Pour avoir suffisamment de travail, il fallait avoir plusieurs employeurs : le problème c’est qu’ils amenaient du travail en même temps, et ensuite on pouvait avoir des périodes sans rien avoir à faire. La loi autorisait bien de pouvoir toucher le chômage pendant ces périodes, mais les employeurs vous faisaient bien comprendre que si vous en faisiez la demande, ils se sépareraient de vous.
Je ne compte plus les week-ends gâchés à bosser pour un salaire souvent inférieur au smic ; si les monteurs à domicile on pratiquement tous disparu il ne faut pas sans étonner.
Cette période m’avait totalement dégoûté de la coutellerie, j’avais totalement tourné la page et commencé une carrière dans l’intérim en allant d’une boite à l’autre.
Puis, un jour, je suis retourné dans mon petit atelier et je me suis amusé à me faire un couteau sculpté : la sculpture était très grossière, mais je me suis vite pris au jeu. Mes premiers essais était en buis, puis je me suis aventuré à sculpter un couteau en ivoire.
Le père d’un ami m’avais invité à l’accompagner pour aller voir Gilles Reynewaeter ; quand Gilles à vu mon travail il m’a tout de suite encouragé à poursuivre dans cette voie, et me passa ma première commande. Je me suis donc installé comme artisan. Malheureusement ce n’est pas si évident que ça de s’installer artisan et de se faire un nom ! Aussi cela n’a duré que 2 ans, de 2003 à 2004.
J’ai repris l’intérim, mais cette fois j’avais comme objectif de trouver une place en usine pour gagner ma vie, et de continuer à faire mes propres couteaux après mes heures.
En regardant les annonces d’offres d’emplois, j’ai vu qu’une entreprise de coutellerie recherchait un magasinier ; je me suis dit que c’était une place pour moi et que ce serait parfait pour mon projet. Quand je suis allé à l’entretien, l’employeur qui connaissait mon travail, m’annonça qu’il ne m’embaucherait pas, que c’était donner de la confiture au cochon que de m’embaucher comme magasinier : il me proposa un CDD pour former ses ouvriers et leurs transmettre mon savoir faire, tout ça bien sur pour un salaire proche du SMIC.
Cela a été l’électrochoc qu’il me fallait, car je me suis rendu compte que l’on voulait une nouvelle fois m’exploiter à moindre coût, tout en s’accaparant mes compétences. En repartant de ce rendez-vous, je me suis dit que ci cette entreprise arrivait à être florissante en vendant des couteaux basiques, il était incompréhensible qu’avec mon savoir-faire je n’arrive pas à en vivre également.
En 2006, je me suis donc réinstallé comme artisan, et dès le début cela à fonctionné. Depuis je vie de mon travail qui s’est transformé en véritable passion, ce qui me plaît le plus c’est la gravure des ressorts ou la sculpture des manches.
L’interdiction de l’ivoire à été un sacré coup dur pour moi, car la majorité de mes sculptures étaient en cette matière. On à voulu nous faire passer pour des assassins d’animaux, alors même quand France on ne travaillait que sur les stocks existant dans le pays.
Il aurait été plus judicieux de se servir de l’argent que rapportait l’ivoire pour protéger les éléphants, mais ça c’est un autre débat.
J’ai remplacé depuis l’ivoire d’éléphant par de l’ivoire de mammouth ou l’ivoire de Phacochère.
Vous trouverez sur ce site la rubrique « Secret de fabrication » qui vous expliquera quelques étapes de fabrication et vous montrera les différentes façons de monter un couteau.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire et vous souhaite une bonne visite sur ce site.



Philippe Voissiere

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